Chronique d’une place de brame.

Ça y est le mois d’octobre se termine et folie du brame se calme elle aussi. Folie tant pour les animaux que pour les humains et les photographes. Je fréquente deux coins pour le brame, le premier que j’ai trouvé est en altitude, il est nécessaire de dormir sur place pour pouvoir observer les cerfs dans de bonnes conditions, mais cette année je n’ai pas eus l’occasion d’y aller par manque de temps libre.

Le second coin se situe plus bas, il est donc plus facile d’accès et me permet de faire des affûts avant et après le boulot. Cette place est toute récente, les effectifs de cerfs sont en augmentation en chartreuse et donc de nouvelles places se créent. Celle ci existe depuis l’automne 2013.  J’ai observé et photographié mes premiers cerfs sur cette place l’année dernière. J’ai passé de longues heures sur place à écouter et observer de loin avant de faire mes premiers affûts, pour bien comprendre le fonctionnement des cerfs. Ça a été payant puisque j’avais photographié les cerfs à plusieurs reprises. Pour cette saison du brame 2015 j’ai passé un peu plus de 100h sur le terrain dont 80h en affût.

Comme l’an passé je m’étais fixé des règles que j’ai appliqué à la lettre :

  • uniquement de l’affût, et uniquement dans la clairière
  • ne jamais faire d’approche en forêt car à cet endroit elle est trop épaisse pour espérer voir les cerfs avant qu’ils ne fuient
  • utiliser toujours le même chemin pour me rendre à l’affût
  • arriver à l’affût avant 17h30, pour être prêt avant que les cerfs arrivent en bordure de la clairière
  • repartir que lorsque les cerfs sont partis

La plupart du temps pour mes affûts j’utilisais soit des filets de camouflage et une tenue ghillie, soit un affût tente Tragopan  :

Affut Tragopan

L’avantage de la tente c’est qu’elle camoufle un peu plus notre odeur, elle dissimule nos mouvement et on est à l’abris en cas de (faible) pluie. Elle est légère, se monte comme une tente 2 secondes et je peux la démonter après chaque affût.

Cette place est quasiment parfaite : pas de chasse sur ce secteur, pas de coin à champignons, le sentier de randonnée est assez loin pour ne pas que les promeneurs ne perturbent la place de brame. Oui mais voilà elle est proche d’une route et facile d’accès. Si en 2013 j’étais le seul photographe sur la place, en 2014 j’ai débuté le brame seul, puis deux autres photographes ont découverts la place. Cette année, ce sont au moins 8, photographes différents qui ont fréquentés cette place de brame, plus quelques curieux qui voulaient voir les cerfs.

Résultat je n’ai pu faire que deux observations de cerfs en 100h sur la place de bframe, et quasiment aucune photo. Les cerfs ont été dérangés quasiment quotidiennement par les gens qui voulaient les voir et leurs couraient après dans la forêt. Résultat au plus fort du brame les cerfs ont désertés la place, et ne sortaient que la nuit. L’afflux sur la place de brame de personnes qui, souvent et malheureusement, n’ont pas de grandes connaissances des animaux et aucune du terrain est une réalité à laquelle je ne peux rien faire. Les gens veulent à tout prix leur photo de cerf sans penser à toutes les conséquence de leurs actes, et sans avoir la patience et la persévérance qu’il faut pour y arriver, le brame devient ni plus ni moins qu’un objet de consommation où il faut à tout prix réussir à voir un cerf, à faire une photo, sans prendre le temps de connaitre l’espèce et ses mœurs. J’ai vu 8 de mes affûts gâchés par des gens qui sont rentrés dans le bois pour tenter d’observer les cerfs en fin de soirée. J’ai même vu des gens parcourir les bois à la frontale pour tenter de voir les cerfs.

Mais je vais tenter d’être un peu pédagogue plutôt que de m’énerver…, quand je vois le nombre de mails que j’ai reçu pour obtenir des informations et le nombre d’entrées sur mon site via les recherches google « brame du cerf en chartreuse », je pense que ce n’est pas vain :

Chez les cerfs la vie est organisée de façon matriarcale : une vieille biche mène la harde et une seconde biche à le rôle de guetteuse. Les cerfs restent solitaires la plupart du temps. Pendant le brame les mâles et les femelles se regroupent pour se reproduire, une place de brame est hiérarchiquement organisée avec un maître qui brame pour avoir les biches en sa possession, des prétendants qui tentent de prendre la place du maître et des jeunes cerfs satellites qui essaient de profiter des occasions « à la jean Claude Dusse »…( sur un malentendu ils peuvent saillir une biche !). Les mâles passent tout leurs temps à lutter pour conserver les biches, oubliant même de se nourrir. un cerf peut perdre jusqu’à 1/3 de son poids pendant le brame. Les joutes entre mâles sont à la fois verbales (c’est ce cri rauque que l’on appelle le brame), et physiques (combats, courses poursuites, marquage de territoire, intimidation, …). Les biches ne sont fécondables que pendant 48h, donc si elles sont dérangées pendant cette période c’est toute la reproduction qui est compromise. L’enjeu du dérangement des cerfs pendant le brame dépasse le fait de faire ou ne pas faire de photos de cerf. Si vous tentez d’approcher un cerf qui brame pensez qu’il y a toute la harde autour de lui (biche, faons, daguets, cerfs satellites, prétendants et maître de la place), ces animaux sont capables de vous repérer de très loin alors dans une forêt épaisse comme en chartreuse où il est impossible de ne pas faire de bruit, autant vous dire que c’est peine perdue ! Photographier les cerfs, et les animaux sauvages en général demande 4 qualités : la patience, la persévérance, une connaissance des habitudes des animaux, et une connaissance du terrain. si vous n’avez pas ces qualités et que vous voulez tenter le tout pour le tout en une seule sortie vous courrez droit à l’échec. Je vous conseille plutôt d’aller dans des parcs de visions qui permettent de voir et de photographier des animaux en semi liberté dans de très bonnes conditions. J’étais moi même allé au parc de Boutissaint en 2013 c’était une très belle expérience.

Je ne revendique pas du tout cet endroit comme étant le mien, et je ne dénonce personne, mais quand un photographe professionnel passe à côté de ton affût et rentrer dans le bois pour tenter d’approcher les cerfs qui brament, ce qui a pour conséquence de les faire partir, ça énerve… surtout quand cette même personne passe une partie de son temps à faire des conférences dans une grande association de protection de la nature pour donner des conseils aux gens sur le respect de la faune et l’éthique.

Alors oui les photos que j’ai fait ne cassent pas de barres, et j’ai fait la plus belle observation de cette saison de brame de loin à la jumelle, en compagnie de ma chérie, de mon beau frère et de ma belle sœur qui n’avaient jamais vus ou entendus de cerfs… Un  pure moment de bonheur devant ces 5 cerfs et 4 biches, on a même eus la chance d’assister à un combat.

J’ai pu revoir le 12 cors de l’an passé qu’un promeneur qui voulait approcher les cerfs a fait partir droit sur moi en rentrant dans le bois :

brame du cerf en chartreuse - Thomas Capelli

J’ai aussi vu en faon sous la pluie :

9 - Faon

Et un jeune cerf et une biche sur un nouveau spot assez prometteur pour l’an prochain :

- Thomas Capelli - Thomas Capelli

(12800 isos quand même !)

Sans oublier qu’il n’y a pas que les cerfs en forêt, j’ai pu voir des mouflons, chevreuils, renards, sangliers, entendre des chouettes, des pics et toute la nature qui change de couleur en automne….

2-chevreuil 8-chevreuil6-mouflon7-mouflon

Enfin, entendre ce cri rauque qui résonne dans les forêts au moment du brame, même si on ne voit pas de cerfs, ça reste un pure moment de bonheur : (désolé pour la qualité du son… pas facile d’enregistrer).

Je n’ai pas la prétention de je jamais faire partir un animal ou créer aucun dérangement, mais j’essaie d’être le plus discret possible et selon moi, de toutes façons c’est le seul moyen de faire des photos d’animaux sauvages. Sans cette rigueur on perd son temps, on ne fait que des observations furtives avant que les animaux partent, mais on ne fait pas de belles photos.

Je ne pense pas que je retournerais sur cette place l’an prochain, vu l’ampleur que ça a pris sur ce site en deux ans…Je ne suis même pas certain que ça brame encore là-bas l’an prochain, la place étant récente, les cerfs vont peut être chercher la tranquillité ailleurs.

3 thoughts on “Chronique d’une place de brame.

  1. Mickael26

    Salut,
    Je crois que pour pouvoir faire des photos tranquillement dans nos massifs, il faut trouver des coins loin de tout : on est condamné à ça.
    Il y a quelques années j’ allais pas trop loin de la route : je voyais plus de randonneurs, curieux, « photographes’ ….que de Cerfs.
    Depuis je vais -beaucoup- plus loin en forêt, ça fatigue, ça ne paie pas tout le temps mais parfois ça paie…et même si tu ne vois rien le fait d’ être peinard au milieu des raires n’ a pas de prix.
    Une partie des photographes veut sa photo à tout prix, au détriment des Cerfs et c’ est bien dommage (surtout pour le Cerf).
    Cette année pas mal de passages (je ne me plains pas), mais finalement un ration temps passé/temps d’ observation hyper faible. (moins de 1% ?) Ca ne fait parfois que traverser, peu de biches, pas plus de 2 Biches par Cerf (quand il n’ est pas seul)…
    Je pense qu’ ils s’ adaptent et sortent plus tard.
    J’ ai choisi de connaître à peu près l’ espèce et le coin avant de me lancer à l’ affût, je m’ inflige comme toi certaines « règles » : 100% affût, arrivée à l’ affût avant 16h (donc départ à pieds à 14h30 + le trajet voiture….en ayant bossé jusqu’ à midi….), départ à la nuit (pas au coucher de soleil) si ça brame à 100m tant pis j’ attends….et si ça ne sort pas ça sortira demain…ou après demain…ou jamais….
    J’ ai fini le brame cuit, 4 à 5h en plein vent m’ ont valu une bonne crève pendant 15 jours, et je connaissais chaque caillou de mon chemin d’ accès, à la fin j’ en avais marre de passer toujours au même endroit mais comme c’ était sans doute le plus discret pour arriver je me l’ imposais.
    L’ an prochain je n’ irai pas plus près.
    Il y a des années meilleures que d’ autres, mais je pense qu’ ainsi ça finit par payer.
    Hélas le Brame est à la mode, espérons qu’ elle passera
    A+

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  2. Inari

    Voici un problème que je connais aussi sur le Vercors avec certaines associations qui organisent des écoutes du brames avec des femmes très parfumées, et des personnes qui klaxonnent bruyamment avec leur gros 4×4…….. Du coup, il est très difficile de faire des photos. J’ai donc abandonné le brame pour cette année, ce qui n’est pas grave car il y a d’autres espèces tout aussi intéressantes et suscitant moins de passion.

    Répondre
  3. Pascal

    Bonjour,

    Merci pour cet article où l’éthique, la vraie, est soulignée, c’est-à-dire celle mettant en avant et dans la mesure du possible la tranquillité des animaux.

    J’ai essayé de repérer quelques places de brame potentielles pour la prochaine saison autour de chez moi. Entre l’étude des cartes aériennes et les indices sur place, j’ai bien quelques idées… Une telle place doit-elle avoir une superficie minimale ou une localisation spéciale pour prétendre au titre de place de brame ?

    Bravo pour votre démarche et merci pour les éventuelles réponses.

    Bonne continuation à toutes et tous.

    Pascal

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