Chartreuse hivernale

Ce fut la dernière sortie de ce court hiver, mais sans doutes la meilleure. Une des rares montées à skis, accompagné de Matthieu Rieux. Je réussis souvent au Charmant Som, et comme en Janvier 2014 et en février 2015 le doute m’habite toute la montée : allons nous passer au dessus des nuages ou allons nous looser ? Arrivée à l’oratoire d’Orgeval le brouillard est dense et ne laisse passer aucune lumière. Je perds espoir, une fois à la bergerie c’est encore pire, même avec ma frontale je vois à peine mes skis. S’en suit ensuite une montée à l’aveugle, sans traces à suivre, pour finalement sortir d’un coup des nuages peu avant la croix. Une immense joie m’envahie, car passer au dessus des nuages pour le lever du soleil c’est vraiment un moment magnifique.

Mer de nuages au charmant som face au mont blanc - Thomas Capelli Neige et mer de nuages en chartreuse - Thomas Capelli

sapins au dessus des nuages - Thomas Capelli sapin de chartreuse Le parc de chartreuse dans les nuagesLe Spectre de Broken s’est même invité à la fête : Spectre de broken

Nuances de gris,

J’aime lorsque les montagnes et les paysages se parent de magnifiques couleurs, surtout  lors d’un lever ou d’un coucher de soleil, j’aime la couleur d’une forêt au printemps lorsque le vert pétille. J’aime aussi me projeter dans une vision monochrome de la nature, voir le paysage en noir et blanc pour mettre en valeur la lumière, et laisser place à la rêverie. Généralement je conçoit un noir et blanc dès la prise de vue, et même si la photo est réalisée en couleur, puis transformée en n&b devant l’ordinateur, je la pense en monochrome dès que j’appuis sur le déclencheur.

Voici ma vision monochrome de la Chartreuse, quelques paysages sous la neige réalisés cet hiver, les skis aux pieds.

dramaturgie d'un hêtre - Thomas Capelli le skieur et la montagne - Thomas Capelli

tempête de neige en chartreuse - Thomas Capelli chamechaude en hiver lors d'une sortie de ski - Thomas Capelli
Alors que pensez vous du noir et blanc ? EN général sur cette question les goûts et les couleurs sont partagés…

Gorges du Guiers mort

Les promenades automnales continuent, cette fois-ci dans un coin que j’adore : les gorges du Guiers mort.  La ballade se fait à partir du Pont Saint Bruno les pieds au bord de l’eau, on emprunte la vieille route qu’utilisaient les chartreux au XVème siècle pour monter au Monastère.

Cet ancien chemin construit par les chartreux à partir de 1495 et achevé en 1504 permettait d’acheminer tout ce qui était nécessaire aux moines jusqu’au monastère de la Grande Chartreuse.  C’est en 1856 que ce chemin fut abandonné au profit de la route qui s’appelle aujourd’hui la RD520. Des vieux ponts, vestiges d’un autre temps s’enchaînent jusqu’au pic de l’Oeillette. En parcourant ces lieux, mettez vous dans la peau d’un moine qui grimperait là en hiver sous la neige pour aller passer une vie de solitude au milieu du dessert des chartreux !

Guiers mort automne - Thomas Capelli

Cette zone est très riche en patrimoine culturel, et pourtant elle est peu exploitée en tant que « zone touristique ». On y trouve une multitude de lieux remarquables : 6 ponts classés, et des vestiges de l’époque ou les gorges étaient industrialisées, des vieilles charbonnières, …, Bref tout un pan de notre histoire s’est déroulé dans ces gorges entre Fourvoirie et la Diat.  La randonnée débute au Pont Saint Bruno et descend dans les gorges. on arrive vers le pont le plus ancien :  le pont de la petite vache. Ce pont construit vers l’an 1500 était encore debout il y a deux ans, et sauf hallucination de ma part sil s’est effondré. On traverse ensuite le Pont Pérant, puis la randonnée nous conduit sur le bord du Guiers jusqu’au Pic de L’Oeillette.  Sous monolithe, en 1543, les Chartreux firent construit un fort et une porte pour protéger l’accès au monastère. Le chemin montait ensuite en direction de la prairie de Chartrousette (au dessus du 1er tunnel), pour redescendre vers Pont des allemands.

Gorges du Guiers mort à l'automne - Thomas Capelli

Concernant l’eau, qui est quand même le principal sujet de mes photos en ce moment : Le Guiers mort tirerait son nom du vieux celte « Garou » qui veut dire « eau rapide ». Au XVIIème  siècle le Guiers se serait arrêté de couler suite à une énorme sécheresse. Pour lutter contre le réchauffement climatique, Saint Bruno se mit à prier, et grâce a lui la pluie est revenue et le Guiers s’est remis à couler. En pleine COP21, la chartreuse et Saint Bruno seraient peut être la solution pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Ruisseau chartreuse automne - Thomas Capelli

Cette rivière est loin d’être morte : le débit moyen est compris entre 4 et 5 m3/s, Le débit le plus faible a été enregistré pendant la canicule de 2003 ( 0,3 m3/s,  contre 0,6 m3/s pendant la canicule de 2015). Il n’est pas rare de voire le débit du Guiers frôler la barre des 90 m3/s. Le record enregistré à Saint Laurent du Pont est de 120 m3/s, en 2002. En 2015 nous avons passé deux fois le seuil de crue décennale et une fois le seuil de crue quinquennale. Un débit de 272m3/s a été enregistré à Pont de Beauvoisin lors de la crue du 30 mars 2015 (soit une piscine olympique toute les 10 secondes !).

Guiers mort, Chartreuse - Thomas Capelli

Cette série réalisée sous la pluie n’est pas top, mais dès le lendemain un gros coup de foehn fit tomber toutes les feuilles d’automne… c’était donc trop tard pour les belles couleurs. Assurément le rendez-vous est pris pour l’en prochain.

 

 

Chronique d’une place de brame.

Ça y est le mois d’octobre se termine et folie du brame se calme elle aussi. Folie tant pour les animaux que pour les humains et les photographes. Je fréquente deux coins pour le brame, le premier que j’ai trouvé est en altitude, il est nécessaire de dormir sur place pour pouvoir observer les cerfs dans de bonnes conditions, mais cette année je n’ai pas eus l’occasion d’y aller par manque de temps libre.

Le second coin se situe plus bas, il est donc plus facile d’accès et me permet de faire des affûts avant et après le boulot. Cette place est toute récente, les effectifs de cerfs sont en augmentation en chartreuse et donc de nouvelles places se créent. Celle ci existe depuis l’automne 2013.  J’ai observé et photographié mes premiers cerfs sur cette place l’année dernière. J’ai passé de longues heures sur place à écouter et observer de loin avant de faire mes premiers affûts, pour bien comprendre le fonctionnement des cerfs. Ça a été payant puisque j’avais photographié les cerfs à plusieurs reprises. Pour cette saison du brame 2015 j’ai passé un peu plus de 100h sur le terrain dont 80h en affût.

Comme l’an passé je m’étais fixé des règles que j’ai appliqué à la lettre :

  • uniquement de l’affût, et uniquement dans la clairière
  • ne jamais faire d’approche en forêt car à cet endroit elle est trop épaisse pour espérer voir les cerfs avant qu’ils ne fuient
  • utiliser toujours le même chemin pour me rendre à l’affût
  • arriver à l’affût avant 17h30, pour être prêt avant que les cerfs arrivent en bordure de la clairière
  • repartir que lorsque les cerfs sont partis

La plupart du temps pour mes affûts j’utilisais soit des filets de camouflage et une tenue ghillie, soit un affût tente Tragopan  :

Affut Tragopan

L’avantage de la tente c’est qu’elle camoufle un peu plus notre odeur, elle dissimule nos mouvement et on est à l’abris en cas de (faible) pluie. Elle est légère, se monte comme une tente 2 secondes et je peux la démonter après chaque affût.

Cette place est quasiment parfaite : pas de chasse sur ce secteur, pas de coin à champignons, le sentier de randonnée est assez loin pour ne pas que les promeneurs ne perturbent la place de brame. Oui mais voilà elle est proche d’une route et facile d’accès. Si en 2013 j’étais le seul photographe sur la place, en 2014 j’ai débuté le brame seul, puis deux autres photographes ont découverts la place. Cette année, ce sont au moins 8, photographes différents qui ont fréquentés cette place de brame, plus quelques curieux qui voulaient voir les cerfs.

Résultat je n’ai pu faire que deux observations de cerfs en 100h sur la place de bframe, et quasiment aucune photo. Les cerfs ont été dérangés quasiment quotidiennement par les gens qui voulaient les voir et leurs couraient après dans la forêt. Résultat au plus fort du brame les cerfs ont désertés la place, et ne sortaient que la nuit. L’afflux sur la place de brame de personnes qui, souvent et malheureusement, n’ont pas de grandes connaissances des animaux et aucune du terrain est une réalité à laquelle je ne peux rien faire. Les gens veulent à tout prix leur photo de cerf sans penser à toutes les conséquence de leurs actes, et sans avoir la patience et la persévérance qu’il faut pour y arriver, le brame devient ni plus ni moins qu’un objet de consommation où il faut à tout prix réussir à voir un cerf, à faire une photo, sans prendre le temps de connaitre l’espèce et ses mœurs. J’ai vu 8 de mes affûts gâchés par des gens qui sont rentrés dans le bois pour tenter d’observer les cerfs en fin de soirée. J’ai même vu des gens parcourir les bois à la frontale pour tenter de voir les cerfs.

Mais je vais tenter d’être un peu pédagogue plutôt que de m’énerver…, quand je vois le nombre de mails que j’ai reçu pour obtenir des informations et le nombre d’entrées sur mon site via les recherches google « brame du cerf en chartreuse », je pense que ce n’est pas vain :

Chez les cerfs la vie est organisée de façon matriarcale : une vieille biche mène la harde et une seconde biche à le rôle de guetteuse. Les cerfs restent solitaires la plupart du temps. Pendant le brame les mâles et les femelles se regroupent pour se reproduire, une place de brame est hiérarchiquement organisée avec un maître qui brame pour avoir les biches en sa possession, des prétendants qui tentent de prendre la place du maître et des jeunes cerfs satellites qui essaient de profiter des occasions « à la jean Claude Dusse »…( sur un malentendu ils peuvent saillir une biche !). Les mâles passent tout leurs temps à lutter pour conserver les biches, oubliant même de se nourrir. un cerf peut perdre jusqu’à 1/3 de son poids pendant le brame. Les joutes entre mâles sont à la fois verbales (c’est ce cri rauque que l’on appelle le brame), et physiques (combats, courses poursuites, marquage de territoire, intimidation, …). Les biches ne sont fécondables que pendant 48h, donc si elles sont dérangées pendant cette période c’est toute la reproduction qui est compromise. L’enjeu du dérangement des cerfs pendant le brame dépasse le fait de faire ou ne pas faire de photos de cerf. Si vous tentez d’approcher un cerf qui brame pensez qu’il y a toute la harde autour de lui (biche, faons, daguets, cerfs satellites, prétendants et maître de la place), ces animaux sont capables de vous repérer de très loin alors dans une forêt épaisse comme en chartreuse où il est impossible de ne pas faire de bruit, autant vous dire que c’est peine perdue ! Photographier les cerfs, et les animaux sauvages en général demande 4 qualités : la patience, la persévérance, une connaissance des habitudes des animaux, et une connaissance du terrain. si vous n’avez pas ces qualités et que vous voulez tenter le tout pour le tout en une seule sortie vous courrez droit à l’échec. Je vous conseille plutôt d’aller dans des parcs de visions qui permettent de voir et de photographier des animaux en semi liberté dans de très bonnes conditions. J’étais moi même allé au parc de Boutissaint en 2013 c’était une très belle expérience.

Je ne revendique pas du tout cet endroit comme étant le mien, et je ne dénonce personne, mais quand un photographe professionnel passe à côté de ton affût et rentrer dans le bois pour tenter d’approcher les cerfs qui brament, ce qui a pour conséquence de les faire partir, ça énerve… surtout quand cette même personne passe une partie de son temps à faire des conférences dans une grande association de protection de la nature pour donner des conseils aux gens sur le respect de la faune et l’éthique.

Alors oui les photos que j’ai fait ne cassent pas de barres, et j’ai fait la plus belle observation de cette saison de brame de loin à la jumelle, en compagnie de ma chérie, de mon beau frère et de ma belle sœur qui n’avaient jamais vus ou entendus de cerfs… Un  pure moment de bonheur devant ces 5 cerfs et 4 biches, on a même eus la chance d’assister à un combat.

J’ai pu revoir le 12 cors de l’an passé qu’un promeneur qui voulait approcher les cerfs a fait partir droit sur moi en rentrant dans le bois :

brame du cerf en chartreuse - Thomas Capelli

J’ai aussi vu en faon sous la pluie :

9 - Faon

Et un jeune cerf et une biche sur un nouveau spot assez prometteur pour l’an prochain :

- Thomas Capelli - Thomas Capelli

(12800 isos quand même !)

Sans oublier qu’il n’y a pas que les cerfs en forêt, j’ai pu voir des mouflons, chevreuils, renards, sangliers, entendre des chouettes, des pics et toute la nature qui change de couleur en automne….

2-chevreuil 8-chevreuil6-mouflon7-mouflon

Enfin, entendre ce cri rauque qui résonne dans les forêts au moment du brame, même si on ne voit pas de cerfs, ça reste un pure moment de bonheur : (désolé pour la qualité du son… pas facile d’enregistrer).

Je n’ai pas la prétention de je jamais faire partir un animal ou créer aucun dérangement, mais j’essaie d’être le plus discret possible et selon moi, de toutes façons c’est le seul moyen de faire des photos d’animaux sauvages. Sans cette rigueur on perd son temps, on ne fait que des observations furtives avant que les animaux partent, mais on ne fait pas de belles photos.

Je ne pense pas que je retournerais sur cette place l’an prochain, vu l’ampleur que ça a pris sur ce site en deux ans…Je ne suis même pas certain que ça brame encore là-bas l’an prochain, la place étant récente, les cerfs vont peut être chercher la tranquillité ailleurs.

Une forêt d’exeption

La forêt est omniprésente en chartreuse, elle fait vivre les hommes depuis plusieurs siècles, elle abrite la plus grande partie de la faune de notre massif, elle est à la fois envoûtante et inquiétante. Le sapin et l’épicéa sont les emblèmes de cette forêt d’exception et ils ont largement contribué à faire la réputation de notre massif. Au XVIIIème siècle la marine royale Française voulait dominer les océans. Pour construire sa flotte et ses voilier, ils avaient besoin de bois solide, pour la construction des mats. Les seuls arbres capables de résister aux tempêtes de la mer se trouvaient en montagne. Les mâts des grands voiliers étaient composés de plusieurs sapins âgés de 200 à 300 ans, ils mesuraient au moins 30 m de haut et devaient faire au moins 80 cm de diamètre.

Par la suite, le bois de Chartreuse a été utilisé dans les fourneaux des tuileries et des usines de sidérurgies sous forme de charbon de bois. C’est alors qu’on a fait venir dans notre région des bûcherons italiens pour couper les arbres et faire du charbon de bois. La plupart d’entre eux étaient originaires de la ville de Bergame.

Hélas aujourd’hui il devient difficile de croiser des arbres de plus de 100 ans dans les forêts de Chartreuse.

Outre le sapin et l’épicéa on trouve également bon nombre de fayards (ou hêtres communs). Ces arbres sont magnifiques parce qu’ils prennent souvent des formes torturées. c’est donc dans une hêtraie de Chartreuse que je suis parti me promener. Arpenter la forêt en été, après la pluie, lorsque la brume est encore présente,  c’est toujours un moment magique.

Hetraie de chartreuse dans le brouillard. Hetraie vue panoramique d'une hêtraie dans le parc de chartresue - Thomas Capelli hetraie dans le parc naturel régional de chartreuse - Thomas Capelli