Ce mouflon croisé la semaine dernière est condamné : pour l’instant il se porte plutôt bien, mais ses cornes ont mal poussé et il est borgne : la corne gauche a déjà perforé son œil et celle de droite commence à perforer sa cloison nasale. Il présente des comportements anormaux : il ne sais plus courir, il saute sur place lorsqu’il sent un danger. Il vit seul et à l’écart des femelles, et du troupeau des mâles. A plus ou moins long terme, il se retrouvera complètement aveugle, et risque soit de chuter d’une vire, soit de contracter un infection, soit d’être une proie facile pour un prédateur.
Des anomalies de ce type sont fréquentes chez les mouflons : Est-ce à cause de l’origine de l’espèce ? Ou est-ce à cause de problèmes de consanguinité ? Je ne sais pas. Mes observations montrent qu’il y a peu de brassage entre les troupeaux de mouflons : les mêmes mâles restent avec les mêmes groupes de femelles, et donc logiquement au bout d’un certain temps, il n’y a plus de « brassage génétique ».
J’ai effectué quelques recherches sur internet à propos des mouflons, et de leur réintroduction dans le parc naturel régional de chartreuse, voici ce que j’ai trouvé :
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage indique en 2004 dans sa fiche sur le « Mouflon méditerranéen » :
« Les Mouflons introduits en Europe et plus ou moins hybridés avec des moutons domestiques ou d’autres Mouflons sont regroupés et nettement distingués sous l’appellation de « Mouflon méditerranéen » (O. g. musimon x Ovis sp.). » […] L’histoire du mouflon méditerranéen est essentiellement cynégétique. […]
Les animaux provenaient :
- de Corse (Bavella), via Cadarache à partir de 1949.
- des réserves nationales de chasse de Chambord (1950-1970), des Bauges (1960-1988) et du Caroux-Espinouse (à partir de 1974) pour l’essentiel, mais également de parcs zoologiques et enclos divers. Ces individus étaient des hybrides.
En effet, si les mouflons de Cadarache ont pour origine probable des animaux capturés en Corse, il n’en est pas de même de ceux de Chambord. La population de cet enclos, à l’origine de celle des Bauges entre autres, a été constituée à la fois à partir d’animaux prélevés en Corse, au Jardin des Plantes, au Zoo de Vincennes et en Tchécoslovaquie. »
Concernant les mouflons de chartreuse, je suis arrivé à mettre la main sur une lettre de 1967 de la Revue Forestière Française, dans laquelle J. Brossier, ingénieur en chef du Génie Rural des Eaux et Forets explique à propos des mouflons de Chartreuse :
« L’introduction du grand cerf est une magnifique réussite à l’actif du C.S.C, comme à celui du service local ; elle nous a conduit à prendre en 1965 l’initiative d’un lâcher de mouflons. A proximité de la Chartreuse, dans la réserve nationale des Bauges est, en effet, constituée la plus belle réserve de mouflons des Alpes françaises ; la similitude du sol et du climat était une garantie de réussite. Sous réserve que les animaux s’implantent dans une région riche en alpages découverts, les dégâts forestiers semblent faibles. L’intérêt touristique du mouflon, plus visible pour les promeneurs, semble particulier. Nous avons donc proposé au C.S.C, son introduction dans le massif de la Grande-Sure, riche en alpages, en limite occidentale du massif. Le 4 janvier 1967, 11 animaux dont 1 seul bouc étaient libérés de leurs caisses aux Trois-Fontaines, au pied de la face Sud de la Sure. Depuis cette date, leur comportement est très favorable. La recharge de 2 ou 3 mâles est néanmoins indispensable si on veut obtenir un succès rapide. »
Il y a sans doutes eus d’autres introductions de mouflons sur le massif de la Sure (et sur les hauts plateaux,), et mes connaissances ne permettent pas de tirer des conclusions. Mais si à l’origine de l’espèce les animaux provenaient d’hybrides (souche mouflons et moutons) , et qu’ensuite les mouflons introduits en chartreuse provenaient d’une même souche (Réserve des Bauges), on peut penser qu’ils sont fragiles sur le plan génétique. Ce qui pourrait expliquer que certains mouflons présentent des anomalies (pelage de moutons, ou cornes bizarres, femelles à cornes, …). Dans tous les cas pour ce mouflon borgne, la sélection naturelle aura raison de lui. Et comme le dit le proverbe : « Au royaume des aveugles les borgnes sont les rois ! ».
Bonjour,
Article très intéressant.
Le problème existe chez les béliers (à cornes enroulées près de la tête) et les brebis à cornes. Si il n’est pas réglé rapidement, il peut entrainer la perte de l’œil mais aussi des plaies qui s’infectent et son couverte de mouche…. Pour autant le phénomène (de ce que j’en connais) est plutôt rare, mais c’est certainement parce que la proportion d’animaux à corne est faible et que pas mal de race à corne ont les cornes qui s’enroule à plat.
Pour le problème de consanguinité, c’est une question que je me pose souvent. Je me l’étais posé sans avoir eu beaucoup de réponse sur les bouquetins. La plus part des populations actuelles sont isolés, son issue de peu d’animaux (20 à 30) issus eux-même d’une petit population résiduelle. Toutes les bouquetins sont issues au final des même « grands parents ». J’avais entendu dire que cela posé un peu de problème dans les écrins ou ils voulaient introduire d’autres souches. Je crois aussi que cette consanguinité a été une des cause des épidémie de kératoconjonctivite dans les dolomites (mais ça c’est issue d’une discution que j’ai eu avec un garde italien en anglais!).
Pas de brassage génétique et probablement très peu de mâles à l’origine de la population conduit à de la consanguinité, d’où ces résultats.
D’autres origines sont constatés pour ces problèmes de cornes chez le bouquetin notamment : chocs sur les zones qui conditionnent la pousse des cornes qui conduisent a des déformations semblables. J’ai photographié un bouc dont une des cornes pousse contre sa joue.
Bravo pour les photos !
A+ Eric